Après une excellente année 2022 pour l’ensemble des restaurants haut de gamme, 2023 s’annonce également plutôt favorable. C’est ce moment précis que choisit un chef de renommée mondiale pour affirmer : « Le modèle de la très haute gastronomie n’est soutenable, ni financièrement, ni émotionnellement, ni en tant qu’employeur, ni en tant qu’être

humain, il ne marche tout simplement pas », a confié René Redzepi au New York Times.
Il est curieux d’entendre ce discours dans la bouche d’un chef encensé par The World’s 50 Best pour sa créativité, parfois débordante, parfois entachée d’expériences moins glorieuses et d’intoxications alimentaires. D’autant plus étonnant que le chef affirme abandonner une profession et un établissement qu’il n’arrive à maîtriser ni financièrement ni en termes de personnel.
L’environnement économique change, certes, mais les clients continuent à fréquenter les très grands restaurants. Malgré les difficultés, ceux-ci se portent très bien et arrivent à investir, à payer leurs personnels et à être rentables. Les exemples ne manquent pas dans le monde entier et en particulier en France, où les charges sont pourtant particulièrement élevées.
Et que dire de la dimension émotionnelle, dont le chef de NOMA évoque la disparition, et que nous retrouvons dans les grands restaurants ? Comment peut-on cracher dans la soupe, après avoir profité du système pendant aussi longtemps ?
Quand on quitte un métier pour des raisons qui ne sont pas forcément avouables, la décence voudrait qu’on le fasse discrètement. Cela m’évoque les chefs qui, sachant qu’ils s’apprêtaient à perdre leur troisième étoile, devançaient l’annonce et proclamaient sa restitution.
Francis Luzin