Madeleine Ferrières, chercheur à la Maison des sciences de l’homme d’Aix-en-Provence, vient d’écrire un ouvrage publié aux éditions Seuil, Les Nourritures Canailles, plein d’enseignement sur la genèse des plats dits canailles et sur l’évolution de la cuisine traditionnelle et populaire. Si les Français ont moins connu dans leur histoire la sous-nutrition que d’autres pays européens, ils n’ont pas été épargnés par la malnutrition. En fait, n’en déplaise à quelques tribuns démagogiques, la mal bouffe a toujours existé. La ration alimentaire était plutôt déséquilibrée au profit des glucides et des protides végétaux et au détriment des protéines animales et des lipides. D’où la vogue des soupes et des bouillies qui permettaient de conserver la quasi-totalité des graisses animales, au contraire des rôtis et des grillades appréciés aujourd’hui.
Fromages et sauces
Chez les riches, le beurre sert comme ingrédient, souvent râpé. Les pauvres, eux, le mangent froid avec du pain. La tartine consommée durant les pauses dans le travail long et pénible est en général beurrée. Le fromage se tartine lui aussi sous une forme molle. Seuls les riches le consomment sec. Le fromage n’accède à la gastronomie que sous le Second Empire, période d’un fantastique enrichissement des classes moyennes. La blanquette, elle, est une façon d’accommoder les restes (veau ou agneau) et n’est jamais présentée aux invités. La mayonnaise sert à masquer toutes sortes de volailles servies froides. Les sauces en général servent à masquer les défauts de