L’archétype du chef-créateur des années 1980 cuisinant pour de petites salles de gourmets triés sur le volet est en train de disparaître. L’élitisme de ces artistes s’accommode mal des nouvelles tendances de la consommation culinaire et des prix que les clients sont prêts à dépenser pour un repas. D’où la réussite des brasseries ou des seconds restaurants des grands chefs. Les chefs créatifs ont compris qu’ils devaient toucher davantage de clients et dans des environnements plus abordables pour trouver l’équilibre économique et professionnel.
Le cas de Michel Bruneau est, à cet égard, particulièrement intéressant. Cet homme de passion a vogué sur toutes les mers de la restauration en visant l’excellence dans les saveurs et l’originalité. Mais, dans une ville peu sensibilisée à la haute gastronomie, il a fini par se trouver dans une impasse économique. D’où un choix qui a pu paraître, il y a un an, un peu étonnant : abandonner son restaurant double étoilé et reprendre en association la fameuse auberge de la Mère Poulard au Mont-Saint-Michel.
L’homme des trente-cinq couverts et des plats de découverte sans cesse renouvelés s’est retrouvé à la tête d’une institution touristique servant en saison trois cents repas jour. Une reconversion hasardeuse selon certains puristes, salvatrice pour des observateurs avertis des évolutions gastronomiques. Si les chefs créatifs des grandes métropoles sortent de l’élitisme par l’ouverture d’établissements tendance en province, le retour à l’auberge traditionnelle repensée