Si le grand public, privé de formation et de savoir-faire culinaire depuis une génération, a progressivement délaissé les produits tripiers, les cuisiniers, eux, épris de tradition, de terroir et de saveurs continuent à s’en régaler. Pourquoi n’en font-ils pas profiter davantage leur clientèle ?
C’est toute une éducation de leurs convives qu’ils doivent souvent reprendre à la base. L’évolution vers une urbanisation croissante de la population a éloigné les consommateurs de l’origine des produits. Le coeur, la cervelle, le rognon, la langue, le pied, la queue évoquent trop crûment le corps de l’animal. Le consommateur d’aujourd’hui ne veut pas imaginer précisément ce qu’il est en train de manger. Pourtant, ces produits de goût recèlent une richesse inégalée de textures et de saveurs. Ce sont des produits types de la restauration car ils nécessitent un véritable savoir-faire pour les préparer et les mettre en valeur. Les cuisiniers peuvent, grâce à eux, replonger profondément dans les terroirs et dans le patrimoine culinaire pour y retrouver les recettes oubliées.
Mais remettre les morceaux de goût… au goût du jour nécessite un effort de modernisation ou d’adaptation. Le consommateur d’aujourd’hui les appréciera s’ils n’apparaissent pas dans leur nudité et leur totalité. D’où l’intérêt d’ailleurs de cet exercice pour les chefs créatifs. Jean-Pierre Vigato, il y a vingt ans déjà, avait marié la cuisine la plus contemporaine avec les morceaux de goût. Il intitulait cela les «plats canailles».
Les joues, les pieds et les queues