Durant vingt ans, Jean-Pierre Vigato avait créé, près de la place Péreire, dans le 17e arrondissement de Paris, un lieu bien à lui, avec une cuisine qui fut moderniste dans les années 1980. Une petite salle et une petite cuisine dans laquelle ses clients, son personnel et lui-même s’étaient installés dans une certaine quiétude. Son style, bien reconnaissable, avait trouvé sa cible, et Jean-Pierre savait le faire évoluer par petites touches afin qu’il reste suffisamment d’actualité pour ne pas dater. Jean-Pierre eut ses époques et, parmi les tout premiers, introduisit les «plats canailles», comme il les baptisa, dans la gastronomie double étoilée parisienne. Cela plut beaucoup car, sans renier le modernisme et la légèreté qui étaient attachés à son style, cette approche correspondait à l’arrivée de la tendance terroir dans la cuisine. En fait, comme tous les chefs ayant une personnalité affirmée et un certain dynamisme, Jean-Pierre sait garder sa signature sans se trouver déstabilisé par les modes.
La réussite tranquille
Cuisinier et gestionnaire, Jean-Pierre savait que les interrogations et les exigences des cuisiniers ne sont souvent pas celles de leurs clients. Ce qui peut être pris pour de l’immobilisme par les uns rassure les autres. Et c’est le client qui finit par avoir raison, davantage que le critique gastronomique ou le confrère. L’histoire aurait pu gentiment s’enliser dans une honnête réussite mais Jean-Pierre fut saisi à 48 ans par une certaine saturation. Il avait, parallèlement à