La violence des réactions suite au décès de Bernard Loiseau est à la mesure de l’état moral de la profession. La gastronomie française, bien plus qu’aucun autre secteur économique ou artistique, est au centre de tous les regards. Elle véhicule une part importante de l’inconscient collectif du pays. Elle attire l’attention autant que la chanson et que le football. Mais, à la différence de ces deux activités, elle dégage beaucoup moins de profits et n’est pas financée par les collectivités ou par l’Etat. Le ruineux système d’indemnisation des intermittents du spectacle ou les énormes sommes englouties par les municipalités dans leurs clubs de football permettent des équilibres financiers artificiels et confortables aux professionnels de ces secteurs.
La gastronomie française (grands ou petits établissements) doit vivre totalement sur le travail de ses professionnels. Comme elle ne peut être dupliquée à l’infini et consommée par une foule, elle a gardé une structure quasi artisanale. Les entrepreneurs, qui génèrent d’ailleurs beaucoup plus d’emplois par rapport à leur chiffre d’affaires que les entrepreneurs du secteur des spectacles, sont ainsi soumis à des pressions économiques particulièrement dures, pour des profits souvent dérisoires.
Le décalage entre leurs efforts, leurs talents d’une part, et la rémunération qu’ils en retirent d’autre part, rendent les chefs plus sensibles à la critique.
La profession de la gastronomie se sent en danger, en crise, en décalage par rapport à l’évolution technologique et sociale du pays. Comme toute catégorie sociale fragilisée, elle réagit de façon