La réunion entre Pierre Gagnaire et sa brigade lors de la mise en place d’une nouvelle carte est particulièrement instructive sur le mode de management du chef. Elle ressemble au travail du chef d’orchestre lors des ultimes répétitions ou à celui d’un metteur en scène. Tous les détails des plats sont analysés afin d’en juger la cohérence avec le but que suit chaque recette. «Bien sûr, la cuisine originale et personnelle est toujours présente, mais je m’attache bien plus qu’avant à la façon de faire un plat, à sa réalisation», commente Pierre Gagnaire.
Georges Golan: L’image simpliste du chef aux fourneaux qui réprimande ses cuisiniers semble obsolète ici.
Pierre Gagnaire : Je passe de plus en plus de temps à expliquer aux cuisiniers ce que l’on s’est fixé comme but et comment y arriver. Parce que, dans mon esprit, cela est plus clair. Je conceptualise davantage le travail de cuisine. Avant, il fallait que je fasse moi-même et tout seul le plat et les cuisiniers regardaient en essayant de reproduire. Le fait de ne pas être aux fourneaux du matin au soir pour produire me permet d’être plus détendu, d’avoir plus de recul et d’être plus lucide.
Même auparavant, je concevais un plat dans ma tête, d’un jet. Mais je subissais une quête éperdue de perfection qui me faisait balayer immédiatement ce que je venais d’imaginer. Aujourd’hui, je ne suis plus dans un état