Georges Golan : Votre contribution forte à l’encyclopédie d’Alain Ducasse vous place dans une situation particulière vis-à-vis de la notion du classicisme.
Jean-François Piège : Dans la profession, le classicisme s’énonce toujours par rapport à Escoffier. L’édition originale de ce livre date de 1902. Je pense que l’origine de cela précède Escoffier. Elle commence avec Jules Gouffé, qui a écrit quatre livres : le livre de cuisine, le livre des conserves, le livre des pâtisseries et le livre des soupes. Il se situe au xixe siècle, là où tout a démarré. Il fait aussi souvent référence à Antonin Carême, mais ce pâtissier aimait surtout les pièces de décoration. Avant, je donne une importance à un ouvrage de grande valeur, surtout pour les collectionneurs, Les Dons de Comus de 1776 de François Marin. Cet auteur dédiait son ouvrage «aux officiers de bouche et aux amateurs qui veulent partager leur art et se nourrir deux fois par jour sans lourdeur en prenant du plaisir». La citation n’est pas littérale mais signifie cela. Je pense que c’est cela le classicisme. Le classicisme n’est pas gravé dans le marbre pour l’éternité ; il représente des époques, qui ont marqué dans la cuisine, et qui ont fait naître des plats qui ont duré un certain temps. Le classicisme évolue, il ne se réduit pas à de la nostalgie, car la cuisine est un mouvement. Si l’on regarde dans un rétro- viseur,