
O ù réside le génie français ? Dans sa géographie ou dans le savoir-faire de ses artisans et artistes ? Le géographe Jean Robert Pitte, dans son ouvrage «Bordeaux Bourgogne, les passions rivales», développe une thèse qui a de fortes implications en déclarant qu’«il y a plus d’histoire que de géographie dans une bouteille de vin». La spécificité du génie français et son côté inimitable résidaient, selon les experts, dans la spécificité de sa géologie et de son climat. L’auteur montre que les terroirs sont largement perfectibles et qu’ils se sont pliés de tout temps au savoir-faire des hommes.
C’est toute une chaîne économique et sociale qui, tout au long de l’histoire, a fait du Bordeaux et du Bourgogne ce qu’ils sont devenus, de l’agronome au biologiste jusqu’au sommelier, au banquier et au négociant. La France, qui a dominé le monde des vins durant des siècles, est bousculée par le savoir-faire autant oenologique que marketing de nouveaux intervenants. Rien n’est acquis et les protections «naturelles» sont illusoires.
Cette leçon peut s’appliquer à la gastronomie française qui doit davantage à l’inventivité et au travail de ses artisans qu’à une donnée géographique. Et, comme dans le vin, la primauté française est attaquée par des pays ou des cultures émergentes. Là aussi, rien n’est acquis ou figé, et tout est lié à une chaîne qui va de l’agriculteur au spécialiste de communication internationale en passant bien sûr par le chef et ses cuisiniers bien formés.
L’avenir imposera des défis importants et la simple répétition de l’excellence du passé ne nous prémunira pas contre les risques de perte de notre position encore dominante. La mondialisation s’est imposée et c’est à l’international que la partie se joue.