
Le nouveau guide Michelin, qui sert de référence à de nombreux chefs, vient, dans sa dernière édition, d’envoyer un message lourd à la profession. Lorsque l’on sait que le Michelin a régulièrement huit à dix ans de retard sur les principaux événements et tendances de la profession, on pourrait ranger cette nouvelle orientation au rang des conversations de salon. Mais même très en retard, le guide n’a-t-il pas souligné une tendance de fond dans la restauration ?
Les promotions et démotions du Guide rouge suivent un axe assez clair : fini le luxe et les établissements soutenus par un palace ou par de gros capitaux internationaux. La gastronomie française est surtout le fait de petites maisons familiales et régionales, dirigées par des chefs patrons qui se sont lancés sans moyens dans la restauration, juste avec leur talent de cuisinier. De quoi réchauffer le coeur de tous les indépendants qui pensaient, depuis dix ans, que seuls les grands groupes financiers pouvaient se payer le luxe de mettre en place des restaurants de haute gastronomie. Lorsque l’on connaît l’impact du Guide rouge sur la clientèle étrangère et la fréquentation des établissements, les chefs patrons vont accueillir le nouveau guide avec une grande bouffée d’espoir.
Si le luxe
Cette option est-elle le fruit d’une analyse de tendance ou le désir de lutter contre les évolutions inéluctables ? Michelin refuse la mondialisation, c’est clair. Mais encourager le traditionalisme à l’époque des 35 heures, n’est-ce pas dangereux ? Comment peut-on aujourd’hui travailler comme il y a vingt-cinq ans, même si l’on est très créatif, gagner de l’argent et respecter le droit du travail ? Comment peut-on séduire une clientèle de moins de 40 ans sur une cuisine qui séduit les plus de 50 ans ? Alain Ducasse, en relançant la chaîne Châteaux et Hôtels de France, avait redéfini la place de la cuisine en province dans le cadre de l’auberge, qui évite les dérives gastronomiques. Nous pensons que son analyse est pertinente pour éviter à des chefs de talent de prendre trop de risques financiers. Comme il a eu raison, on lui décerne une étoile dans son auberge et non dans son Spoon qui a une réussite mondiale.
Il est bon de renforcer le maillage gastronomique de la France en honorant ses maisons traditionnelles, mais il ne faut pas que cela cache les évolutions qui se profilent.