
Si la gastronomie française veut garder son niveau élevé, elle ne peut se passer d’une main-d’oeuvre qualifiée. La question qui hante la profession depuis les années 1960 est de savoir comment générer cette main-d’oeuvre qualifiée. Le très grand savoir-faire des professionnels existe dans le pays – à la différence de nombreux autres pays développés. Il serait logique que sa transmission s’effectue facilement. Pourtant, la profession est divisée depuis longtemps. D’une part, les traditionalistes, tenants de la transmission directe du savoir-faire du professionnel à l’apprenti. D’autre part, les partisans du service public qui veulent collectiviser la transmission du savoir-faire afin d’en maîtriser l’idéologie et de l’orienter.
Cette collectivisation de l’éducation est un phénomène acquis depuis le milieu des années 1950. Seule la restauration ou presque fait de la résistance. Car l’apprentissage, basé sur les valeurs d’excellence de la profession, développe en fait une idéologie élitiste. Cette idéologie élitiste s’accommode de la pénibilité et s’en glorifie. Elle est tout à fait acceptée en sport mais refusée dans les autres secteurs. A l’opposé, l’Education nationale a abandonné en 1968 toute ambition élitiste pour
La pénibilité doit être exclue et le temps de travail réduit en est un dogme.
Il semble bien difficile de rapprocher ces deux visions du monde si contradictoires. Les professeurs de lycées hôteliers tentent régulièrement un grand écart bien périlleux car ils sont issus de cette profession et sont marqués par ses valeurs. Mais ils vivent dans un système qui lui-même refuse l’élite, dont le système de rémunération et l’organisation fonctionnarisée sont à cent lieues d’un monde de la concurrence, de la prise de risque, de l’individualité.
L’Education nationale n’a cessé, depuis trente ans, de se fonctionnariser. Que peuvent faire les professeurs de cuisine contre cette vague de fond qui les dépasse, même si eux sont sensibilisés aux besoins de la réalité économique de la restauration ?
Le débat cessera le jour où la restauration, écrasée par le poids des charges sociales et les lois restrictives, aura jeté l’éponge et s’approvisionnera dans d’énormes cuisines centrales.
Le cuisinier pourra devenir fonctionnaire et sera en adéquation avec sa formation scolaire.