
La France n’est pas à un paradoxe près. A une époque où les normes, les disciplines, les interdits sont largement remis en question, où le sens de la liberté est devenu tellement dominant que le manque de contraintes frise le libertaire au quotidien, les chefs français se précipitent en masse pour concourir aux MOF. Et l’on sait combien cette épreuve se situe aux antipodes du relâchement, du permissif et de l’expression spontanée de son ego.
L’engouement répété pour cette épreuve plus qu’exigeante, même chez des chefs reconnus et n’ayant plus rien à prouver sur le plan de leur métier, relève peut-être de ce sens exacerbé de la compétition qui caractérise
notre époque. Elle s’explique par le désir de se retrouver ensemble dans une situation difficile entouré de ses pairs. La version gastronomique du marathon de Paris ou de New York. Mais au-delà de cette approche nouvelle du festif, les chefs, justement à l’époque de la perte des repères, ressentent le besoin d’affirmer la spécificité de leur métier qui s’appuie sur la technique et le savoir-faire. Des qualités qui ne s’acquièrent que difficilement. Le sens du travail et de l’effort, de la transmission du savoir qui irradie cette épreuve, reste au centre de ce métier qui a trouvé dans notre pays une voie exceptionnelle d’expression et qui le distingue de tous les autres.