
Comme la nouvelle cuisine en son temps, la cuisine moléculaire est entrée dans une phase de critique après avoir bénéficié d’une période de fort engouement. Tout mouvement de novation forte qui remet en question les pratiques et les codes passe par cette réaction, puis subit un rejet alors même que ses apports sont filtrés et intégrés dans la pratique quotidienne.
Il en est de la gastronomie comme de la peinture, de l’architecture, de la philosophie ou de la sociologie.
Dans le cas présent, on aurait pu s’attendre à ce que la critique de la cuisine moléculaire vienne de la France ou plutôt des chefs français qui ont pâti de n’avoir pas été les porteurs identifiés de ce mouvement (excepté Pierre Gagnaire qui continue son travail avec Hervé This et Thierry Marx qui s’est bâti son image sur cette modernité). Curieusement c’est lors du 20e anniversaire de la cuisine moléculaire que celle-ci reçoit une attaque dévastatrice : celle du chef espagnol Santi Santa Maria. Il y développe les thèmes de la sécurité alimentaire (très sensible de nos jours) et des saveurs. Et le débat interne aux chefs espagnols fait rage d’autant que la rumeur court que le pape du mouvement, Ferran Adria commence à prendre du recul vis à vis de ses essais et expériences gustatives.
Il reste de toute cette agitation que les règles des comportements et mouvements de société s’appliquent toujours dans leurs évolutions et contre évolutions. Mais aussi que la gastronomie française n’a pas su se distinguer fortement et prendre le rôle moteur de la modernité comme elle l’avait faite par le passé. À l’époque de la mondialisation, de l’accélération permanente des phénomènes de mode, les chefs français ne peuvent se placer en situation de spectateurs narquois et manquer un prochain train de modernité.
Il en ira de leur image dans le monde.