
L’année 2018 est évidemment marquée par le départ de deux de nos plus chers amis, Paul notre maître à tous et Joël qui était son équivalent en plus discret.
Chacun d’entre nous a perdu un ami, un exemple, un maître.
La profession est aussi en deuil, elle a perdu deux de ses meilleurs défenseurs.
Je voudrais que l’on puisse prendre quelques instants de réflexion sur les années à venir.
La haute gastronomie française, est la mère de toutes les gastronomies, les chefs français ont formé de nombreux chefs que l’on retrouve au sommet, en France et dans les différents pays du monde.
Celle-ci a été particulièrement attaquée ces dernières années.
La concurrence est rude, avec l’émergence de nombreux pays, qui soutiennent leur propre gastronomie, alors que cette haute gastronomie française est peu soutenue par son propre pays, C’est à vous les chefs qui avez réussi à parvenir aux deux et trois étoiles Michelin de prendre en main la promotion et la défense de votre profession, ce que je répète depuis un certain nombre d’années à beaucoup d’entre vous.
Emmanuel, Gilles, Olivier, Jean, Christophe, Édouard, Éric, Yannick, Anne Sophie, Alexandre, Pascal, et j’en oublie, tous ceux qui aujourd’hui représentent l’élite de la profession, vous devez vous réunir et constituer un collectif, afin d’essayer d’aider cette profession, en profonde difficulté et à l’avenir incertain : problème de recrutement, problème de charges, problème de contraintes, problème d’administration zélée et j’en passe…
Toutes ces choses qui font que vos affaires sont dures alors qu’elles devraient être pérennes et sereines.
L’ère n’est plus d’avoir un maître qui vous représente tous, aujourd’hui plus complexe, la société a évolué, les moyens de communication, les réseaux, l’ouverture sur le monde, les émissions, la politique….
Tout cela modifie fortement, l’environnement dans lequel vous les chefs vous débattez au quotidien.
Paul et Joël professèrent en permanence l’importance de la transmission, c’est maintenant à vous de transmettre. Seul un collectif de grands chefs peut tenter d’améliorer les conditions de votre métier en s’engageant fortement sur tous les thèmes syndicaux. Il n’y aura plus de leader, c’est à vous, la génération des 45-55 ans de vous défendre.
Un collectif de chefs c’est travailler pour l’avenir, il faut de la persévérance. Chacun apportant sa pierre à l’édifice, ce collectif doit définir les thèmes de combat, et pour chaque thème choisir celui qui est le mieux placé pour porter celui-ci auprès des institutions.
J’ai été un fort partisan du Collège Culinaire de France, ce que je suis toujours, mais le collège n’a pas de vocation syndicale. Il travaille surtout sur les qualités culinaires et les consommateurs. Ses objectifs ambitieux sont plus tournés vers les producteurs et le patrimoine culinaire artisanal, et le combat contre l’industrialisation du goût et la standardisation des comportements.
La valorisation du métier est un travail de longue haleine, bien sûr aujourd’hui vous êtes pris dans votre quotidien, dans les difficultés de tous les jours, mais qu’en sera-t-il dans 15 ans quand vous souhaiterez passer la main, il sera trop tard pour vous dire « mon Dieu mon Dieu j’aurais dû m’en préoccuper plus tôt ».
Francis Luzin