
L’ouverture d’une enquête préliminaire par le procureur de la République de Paris après la diffusion d’un reportage de M6 sur de possibles luxueux dîners clandestins organisés à Paris dans des hôtels particuliers ou domiciles privées pose la question de la limite juridique entre les soirées privées entre amis et les dîners clandestins en pleine crise sanitaire liée au coronavirus.
La prestation et le travail exercé sont les éléments déterminants pour le juge
Nicolas Hervieu, juriste en droit public et enseignant à Sciences Po et à l’université d’Evry, s’est saisit de la question sur l’interprétation juridique à faire entre soirée privée et soirée clandestine qui peut être assimilée à une activité commerciale illicite au même titre que les restaurants clandestins. « La plus grande différence entre un repas entre amis et une soirée privée relève de l’aspect « commercial » de l’événement » précise-t-il.
Dans l’organisation des diners qui se sont déroulés au palais Vivienne à Paris, la vraie distinction juridique qui se pose, c’est de savoir si le propriétaire des lieux ou l’organisateur a invité les convives à régler pour les prestations servies. « Dès lors que les personnes « invitées » paient le service rendu, ou même l’accès aux lieux, il s’agit d’un événement commercial. Même si ce paiement est indirect (adhésion à un club, par exemple) », détaille Nicolas Hervieu.
Le juriste en droit public indique en outre que :« Dès lors qu’il y a de l’argent, on n’est plus dans la soirée privée relevant de la protection du domicile et de la vie privée, contre laquelle l’état d’urgence ne peut rien.».
La notion de « travail dissimulé », retenue dans l’enquête ouverte par le parquet, permet aussi d’établir une limite entre soirées privées et dîners clandestins. Selon Nicolas Hervieu, l’organisation de dîners tarifés représente une « activité en dehors des règles, une activité économique occulte ». « Pour pouvoir servir des convives contre rémunération, vous faites appel à des serveurs », dont l’activité s’apparente à une « activité non déclarée », puisqu’en dehors du cadre légal, ajoute le juriste.
Par contre, si le gouvernement conseille de limiter la jauge à six personnes et le port du masque, dans la sphère privée, « aucun texte ne permet de sanctionner quelqu’un pour ne pas avoir respecté les gestes barrières ou avoir accueilli plus de six personnes chez lui », souligne Nicolas Hervieu.
Est-il question d’une activité commerciale ?
Dans l’affaire du palais Vivienne, les enquêteurs de la police judiciaire devront établir si le propriétaire/organisateur Pierre-Jean Chalençon, et le chef cuisinier Christophe Leroy (ou d’autres organisateurs potentiels) exerçaient bel et bien une activité commerciale lors de ces soirées privées et si, dans ce cadre, l’hôtel particulier où elles se sont déroulées pouvait alors être qualifié d’établissement recevant du public.
Par ailleurs, les enquêtes devront également éclaircir s’il est question d’une activité commerciale, avec des entrées ou repas payants pour les convives et de « travail dissimulé » pour le personnel auquel Pierre-Jean Chalençon a pu avoir recours concernant les serveurs et autres « employés » présents lors de ces soirées mondaines. PG
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