
C’est un paradoxe : les chiffres des défaillances d’entreprises en France pour le 4e trimestre et l’année 2020 de manière générale sont en baisse, reculant de 38,1% (32 184 procédures enregistrées) par rapport à 2019 – soit un niveau au plus bas depuis 30 ans.
Le groupe Altares, spécialisé en matière d’informations sur les entreprises, révèle en effet des chiffres contrastant étonnamment avec la crise économique et sanitaire sévissant depuis 1 an maintenant.
En revanche, l’étude révèle aussi un nombre important de liquidations judiciaires directes, la baisse des procédures de sauvegardes et un nombre d’emplois menacés conséquent.
« 2020 restera gravée dans les annales comme l’une des plus graves crises sanitaires et économiques que le monde ait connu, faisant plonger le PIB de notre pays de 9 % en quelques mois », déclarait Thierry Millon, directeur des études Altares. « Et pourtant, « seulement » 32 184 entreprises (-38,1 %) ont sollicité et obtenu l’accompagnement du tribunal de commerce ou judiciaire cette année. Des chiffres d’un autre temps puisqu’il faut remonter à 1987 pour retrouver de tels niveaux. 32 184 défaillances, c’est 20 000 procédures de moins qu’en 2019. 20 000 entreprises qui auraient « échappé » au dépôt de bilan et pourraient finalement être rattrapées en 2021 pour rejoindre les rangs de milliers d’entreprises qui sortent exsangues de cette année noire. Ces chiffres ne doivent pas non plus faire oublier les plus de 130 000 emplois menacés après les dépôts de bilan de grands noms de l’habillement qui n’ont pas survécu à la crise. L’enjeu 2021 sera de réveiller progressivement l’économie de sorte à permettre aux entreprises viables de se développer et aux tribunaux de proposer aux entreprises fragilisées voire terrassées par la Covid-19 la meilleure solution de sortie ou de rebond. »
Il semblerait ainsi que les diverses mesures prises au printemps, à l’image du gel de la date des cessations de paiement dès la mi-mars, ont « protégé » les entreprises de la faillite jusqu’à la fin de l’été.
Idem pour les 2 derniers trimestres 2020, marqués par le nouveau plan de mesures déployé avant l’été (Fonds de solidarité, Prêt Garanti par l’État, exonération ou report de cotisations, activité partielle).
Si le 1er trimestre 2020 avait bien débuté (retrait du nombre des procédures collectives de 25 %), le second enregistrait une baisse deux fois plus rapide (- 54%), avant un recul de 35 % l’été et encore 40 % sur le dernier trimestre (8 207 jugements).
Les procédures de redressement judiciaire ont reculé de près de 50% (8 030). En 2020, les assignations de créanciers ont disparu (les créanciers publics et privés préférant les règlements à l’amiable).
La procédure de sauvegarde a été davantage utilisée par les dirigeants d’entreprises de plus de 50 salariés (+12 % par rapport à 2019), qui se donnent ainsi deux fois plus de chances de rebondir en obtenant un plan d’étalement de la dette.
Tous les secteurs d’activité ou presque terminent 2020 sur des niveaux de défaillance en baisse : les services aux entreprises (-32,6 %), l’organisation de foires et salons (-34,3 %) avec cependant un bémol pour les agences de voyage (+3,1 %). Côté alimentaire, la boulangerie-pâtisserie compte moitié moins de défaillances qu’en 2019, contrairement aux secteurs de la transformation et conservation de la viande de boucherie (+16%), ainsi que dans la fabrication de bière.
En restauration, ils sont 3 300 établissements de restauration qui ont défailli en 2020, soit 39,1% de moins qu’en 2019. Un recul encore davantage marqué en fin d’année (-44%). Moins de 1 900 restaurateurs traditionnels (- 39,2%) et 1 300 établissements de restauration rapide (-40,7%) sont entrés en procédure. Un peu plus de 110 traiteurs ont également défailli (-29,2%) et près de 700 débits de boisson (- 39,4 %) sont allés jusqu’au tribunal.
Si l’ensemble des territoires enregistre une forte baisse des niveaux de défaillances, 5 régions sortent du lot en enregistrant une baisse supérieure à 41 % (la Corse, l’Auvergne-Rhône-Alpes, le Grand Est, les Pays de la Loire et du Centre Val-de-Loire).
« Une chose est certaine, l’engagement du ‘quoi qu’il en coûte’ pris par le Président de la république en mars dernier a évité que la violente crise économique ne vienne noircir les registres des tribunaux de longues listes de faillites Covid-19. Le niveau de défaillances de 2020 s’apparente pourtant à une anomalie statistique. Comment imaginer que 2020 ait pu compter « seulement » 32 000 défauts ? Les adaptations juridiques, administratives et soutiens en trésorerie ont permis aux entreprises de se prémunir du défaut de paiement, sans quoi le pire était à redouter. Les précédents records de défaillances, proches de 65 000, auraient été largement dépassés.
« Le plus dur est devant nous » rappelait Bruno Lemaire début janvier. Naturellement nous devons anticiper une forte augmentation du nombre de défaillances au regard de 2020 ; a minima un retour à la situation de 2019 (52 000) et probablement davantage si aux accidentés du Covid devaient s’ajouter un grand nombre des 20 000 entreprises épargnées de 2020. La question est donc de savoir s’il est possible d’amortir le choc, de permettre un retour progressif à la normale en débranchant graduellement les aides à destination de certaines entreprises et en renforçant l’accompagnement d’acteurs viables. Enfin, 2021 mais aussi 2022 verront le risque de défaut de paiement s’accroitre fortement pour des milliers d’entreprises, provoquant un autre risque pour les fournisseurs : celui de la propagation de la défaillance des clients. Gare à l’effet domino ! », concluait Thierry Million.
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