
STEPHANE MANIGOLD, UNE HIRONDELLE NE FAIT PAS LE PRINTEMPS
Par une ordonnance de référé rendue par le Président du tribunal de commerce de PARIS le 22 mai 2020 selon la procédure d’urgence dite d’heure à heure, un restaurateur, la S.A.S. MAISON ROSTANG, a obtenu une condamnation provisionnelle à valoir sur l’indemnité perte d’exploitation vainement réclamée à AXA IARD.
En outre, un expert judiciaire a été commis avec pour mission de chiffrer la perte d’exploitation due au titre du contrat d’assurance souscrit auprès d’AXA, par l’intermédiaire de la société de courtage SATEC.
Enfin, non seulement la condamnation d’AXA a été assortie d’une astreinte de 1.000 € par jour de retard, mais AXA a été condamnée à verser la somme de 5.000 €, au titre des frais de procédure avancés par la S.A.S. MAISON ROSTANG.
Cet événement judiciaire, largement couvert sur le plan médiatique, mérite quelques explications.
La procédure de référé était appropriée, le juge des référés étant juge de l’évidence.
Pour autant, contrairement à ce qui a pu être diffusé par la presse, il convient de ne pas s’enthousiasmer trop vite, la nature de la décision rendue étant essentiellement provisoire, et non revêtue de l’autorité de chose jugée.
Un débat aura certainement lieu sur le fond, avec l’inévitable aléa judiciaire inhérent à tout procès.
Cependant, dans un contexte de crise lié à une pandémie, une telle décision émet un signal fort en direction des entreprises de restauration sinistrées qui auraient souscrit une garantie perte d’exploitation.
Or, en la matière, il faut raison garder. Chaque contrat d’assurance est différent, et la mobilisation d’une garantie n’est sérieusement envisageable qu’à condition de ne trouver aucun obstacle en chemin.
Au cas d’espèce, la garantie pertes d’exploitation souscrite était très différente de celle usuellement proposée par les compagnies. Généralement, la définition de l’événement aléatoire assurable en la matière est liée à un fait matériel : dégât des eaux, incendie, accès au commerce rendu impossible par la fermeture pour travaux d’un centre commercial, enquête de police dans les locaux d’exploitation suite à la commission d’un crime de sang, etc…
Dans le cas présent, le contrat stipulait que la garantie pouvait être acquise en cas de fermeture administrative.
La compagnie AXA, pour sa défense, a tout d’abord décliné la compétence du juge des référés, selon un argument classique tiré de la nécessaire interprétation du contrat d’assurance.
Ce moyen a été écarté, le juge des référés soulignant la parfaite clarté du contrat.
AXA a aussi fait valoir que la fermeture administrative s’entendait, au sens du contrat, comme celle ordonnée par l’autorité préfectorale, ce que rien ne permettait de le dire, selon les termes du contrat.
Pour sa défense, l’assureur en est venu à évoquer la fortune personnelle du président de la S.A.S. MAISON ROSTANG, qui permettrait à l’entreprise de bénéficier d’un concours financier suffisant. La décision rendue a balayé cet argument qualifié de “fantaisiste”, la fortune du dirigeant sociale – réelle ou supposée – étant parfaitement étrangère au point de savoir si une garantie d’assurance couvrant une entreprise juridiquement distincte de son dirigeant est mobilisable ou non.
Au vu de ce qui précède, les restaurateurs concernés devront prendre soin de lire très attentivement tous les documents contractuels d’assurance : conditions générales, conditions particulières et conditions spéciales du contrat souscrit, pour former une éventuelle réclamation auprès de leur assureur perte d’exploitation.
Reste, enfin, le montant de la garantie. L’espoir de recouvrer rapidement une trésorerie qui fait cruellement défaut à l’entreprise, ne doit pas conduire à des excès. La perte d’exploitation est souvent définie contractuellement comme la perte de chiffre d’affaires (par rapport au chiffre d’affaires déclaré à la souscription du contrat), sous déduction des éléments variables liés à l’exploitation normale de l’établissement. C’est un travail d’expert-comptable qu’il faut réaliser en amont de la réclamation. Le maintien partiel d’activité de l’établissement (vente à emporter) n’exclut pas, a priori, la possibilité de mobiliser la garantie, si ses conditions sont réunies, et en l’absence de clauses d’exclusions très apparentes, formelles et limitées.
Si aucun accord amiable ne peut être trouvé sur un versement provisionnel, à parfaire ultérieurement, la meilleure chose à faire est de solliciter une provision documentée en référé, et la désignation d’un expert judiciaire, dont l’indépendance à l’égard des parties sera la garantie d’une analyse impartiale et objective.
Pierre REYNAUD
Avocat à la Cour – Paris
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