
Après le choc de l’annonce, comment organisez-vous votre quotidien ?
Olivier Bellin : Ça a été une surprise et un étonnement général. Nous avons eu un coup de chance car nous devions fermer la veille pour les vacances pour 15 jours, la marchandise était quasiment écoulée. L’année dernière, j’ai dû fermer pendant 4 mois à cause d’un accident, donc je revis un peu la même chose. De mon côté, j’ai retrouvé ma famille, mes proches, je suis revenu à l’essentiel. Je vis proche de la nature j’ai pris le temps de l’apprécier. En revanche, je n’ai pas attendu cette pandémie pour vivre et travailler plus localement. J’ai pris le temps de discuter avec mes producteurs, d’en découvrir de nouveaux. J’ai aussi beaucoup échangé avec mes collaborateurs, je voulais leur ressenti sur le futur, notamment chez les plus jeunes. De nouvelles idées sont ressorties de nos échanges, j’ai pour projet de les mettre en place dans la maison.
Qu’avez-vous mis en place pour vos maisons (chômage/prêt/report) ?
Je me suis engagé très vite à rassurer mon équipe, je ne voulais licencier personne, j’ai donc mis tout le monde au chômage partiel. On parle beaucoup des chefs mais beaucoup de questions concernent nos salariés, pour eux ça a aussi été très violent.
Ma situation est particulière car je suis dans un petit village entre Brest et Quimper, je vis essentiellement du tourisme, la semaine est calme et le week-end occupé. Au tout début on a voulu participer au mouvement de soutien envers les hôpitaux, seulement dans la pointe du Finistère le Covid-19 n’était pas encore arrivé puis la gestion des flux s’est très bien déroulée donc rien ne nous a été demandé.
Envisagez-vous de modifier l’offre de vos restaurants ?
En ce qui concerne les alternatives au service en salle, j’ai choisi de ne pas faire de plateau repas et de vente à emporter car je ne voulais pas altérer l’expérience de notre maison. Ma cuisine est moins préparée à l’adaptation, tout se mange en instantané, si vous le réchauffez cela ne va plus. J’envisage éventuellement de me déplacer chez les clients comme certains chefs l’ont déjà fait, seulement je veux respecter ma philosophie. Sur le long terme, nous verrons en fonction de la réponse des clients, nous serons réactifs. Évidemment que s’il ne reste que la solution « à emporter » nous reverrons notre offre entièrement, je préfèrerais juste éviter car ce n’est pas l’esprit dans lequel je souhaite travailler et transmettre. L’année dernière déjà, on avait proposé un menu ludique, dégressif, nous allons donc redémarrer comme ceci. Je me vois également élaborer une cuisine plus décomplexée, plus simple, plus accessible en prix pour les habitants du village. Je veux mettre en place cela d’ici l’été prochain. On sera plus pointus encore sur notre respect de l’environnement.
Comment envisagez-vous la reprise ?
Le message doit être positif, être négatif ne fera pas avancer les choses. C’est la fin d’un certain monde mais pas de ce monde. Après ces moments difficiles on ne peut que rebondir. Ce ne sera pas facile et encore moins dans l’immédiat. Moi j’ai de la chance, je vais entrer dans mes deux mois de saisons. Il faut montrer aux clients que nous sommes heureux de les revoir, je fais le pari qu’ils reviendront nous voir. Ce ne sera pas une grande saison mais elle sera peut-être normale. Même si nous restons dans le flou pour la réouverture, je reste optimiste quant au retour des clients. Je vois bien que la demande est toujours là, beaucoup m’ont demandé la date de réouverture. C’est dans notre culture, l’art de vivre « à la française ». Dès la réouverture c’est à nous d’être à la hauteur. La reprise va remettre au centre du jeu les équipes de salle, on va avoir besoin d’eux pour sécuriser les clients, mettre en œuvre les protocoles. Tout l’enjeu se situe dans leur capacité à conserver une atmosphère chaleureuse et conviviale avec toute cette nouvelle réglementation. La fréquentation reposera en grande partie sur leur travail.
Anecdote / tribune libre
Cette période nous a vraiment montré l’importance de revenir à l’essentiel. Cela ne veut pas dire faire simple mais trouver le bon produit et raconter la bonne histoire. J’ai abordé quatre points avec mon équipe : l’urgence sanitaire, la sécurité alimentaire, la pérennité des emplois et le combat pour l’environnement. J’espère une prise de conscience sur nos modes de consommation et une relance de l’économie.