
Après le choc de l’annonce, comment organisez-vous votre quotidien ?
Glenn Viel : On a fermé le restaurant, même si je continue de temps en temps à aller au travail… J’ai acheté une maison il y a 4 ans dans le coin, à 12 km du restaurant. Donc je bricole, avec un ami on transforme des meubles, on a créé un poulailler, on s’occupe… Mon quotidien, niveau timing, c’est assez serré, je ne me suis pas ennuyé une seconde ! Et en réalité, ça n’est pas si simple que ça de se réapproprier sa famille ! De réapprendre à vivre ensemble, trouver un rythme… C’est super, mais vraiment pas simple ! C’est propice à des moments agréables, mais il faut « trouver sa place ».
Qu’avez-vous mis en place pour vos maisons (chômage/prêt/report) ?
Un gros prêt a été effectué. On est une grosse structure familiale mais ça n’est pas un puits sans fond. On a décidé la mise en place du chômage partiel pour tous. On veut garder tout le personnel. On a décidé de positiver, on s’est dit que les gens allaient revenir… Et avec nos 45 couverts depuis les 3 étoiles, on peut couvrir le restaurant avec uniquement une clientèle française. Ici, on dispose d’une grande terrasse, qui permet de manger dans les meilleures conditions. Et on s’attend à une clientèle de curieux avec l’obtention récente de la 3ème étoile. On veut toujours progresser, faire mieux… Le prêt que nous avons fait nous freine un peu dans tout ce que nous voulions faire, mais tant pis. Nous ferons avec. Nous nous dirigeons vers une sorte « d’économie de création ». Mais on va reprendre un rythme normal, petit à petit.
Envisagez-vous de modifier l’offre de vos restaurants ?
On devait refaire la cuisine, mais on va attendre un peu. Les gens qui vont revenir seront des habitués, donc on conserve la carte et les menus. En revanche, on va enlever une entrée, un poisson et une viande. On ne va pas changer du tout au tout. Les gens viendront chercher ce qu’ils connaissent, ce qui les rassure et les réconforte.
Vous aviez dû imaginer autre chose en cette année d’obtention de vos 3 étoiles…
D’une manière générale j’imaginais autre chose pour le monde ! Je suis un peu écolo, donc je pense qu’il faut qu’on soit vraiment vigilant. Nous, restaurateurs et chefs, avons un vrai rôle à jouer. L’alimentation c’est polluant, il faut faire attention… Il y a beaucoup de réformes à faire pour que le monde tourne mieux, mais c’est le moment de prendre ce virage, c’est essentiel. Aujourd’hui, un McDonald’s ouvre : il y a 3 km de queue… Les gens ne prennent pas conscience des enjeux. On a la possibilité de changer les choses, il faut le faire maintenant. La nature, il faut vraiment en prendre soin. Et pour cela, je pense qu’il faut réprimander davantage face aux abus. C’est un travail de chacun, dans tous les secteurs, et l’alimentation est en première ligne, notamment en matière de transports, ou encore de conditions d’élevages.
Anecdote / tribune libre
Il va falloir que l’on se batte. On va passer par des moments difficiles. Il faut montrer à la génération qui arrive que rien n’est acquis. Il faut vraiment prendre de vraies résolutions, surtout en matière d’écologie, et cela passera par le bien fondé des raisonnements de chacun. Renouer avec de vraies valeurs. Si on s’y met tous, ça peut marcher. Ça peut fonctionner. Mais il y a du boulot. Il y a beaucoup de changements à mettre en place. En 60 ans, on a fait plus de mal à la planète que depuis sa création, il y a des millions d’années… Après, on voit aussi des choses positives qui se passent avec cette crise : les gens sont davantage dans l’affect, par exemple. C’est beau, il faut aussi le souligner…