
Après le choc de l’annonce, comment organisez-vous votre quotidien ?
Stéphanie Le Quellec : Je me doutais que cela allait arriver. Le vendredi 13 mars au soir, quand nous avons fermé la maison, j’ai demandé à mes équipes de ne pas commander trop de produits pour la semaine à venir, car nous risquions de devoir nous adapter à la situation. Ils ne voulaient pas y croire. Je n’avais juste pas envisagé que cela serait annoncé dès le lendemain et que le restaurant ne rouvrirait tout simplement pas. Durant deux jours, il a d’abord fallu mettre la maison à l’arrêt, gérer les produits puis le lieu.
Avec mon mari, nous avons décidé de rester à Paris, près de La Scène, dans notre appartement dont nous profitons finalement peu. Les premiers temps, il a fallu digérer, accuser le coup et mettre en place la partie administrative. Cette période est aussi l’occasion de profiter de nos enfants, avec des choses toutes simples que nos vies à 100 à l’heure ne nous permettent pas de faire, ou très peu : lire des histoires, jouer à la pâte à modeler avec le petit, faire de la musique et des jeux de société avec les grands. La cuisine n’est jamais loin, d’abord parce que nous sommes 5 à la maison du matin au soir, mais aussi parce que sans elle, nous ne sommes plus nous ! Chaque jour, une recette que l’on réalise en famille est ainsi postée sur Instagram. Cela nous permet d’apprendre : nous avons par exemple fait du pain, des croissants, repris certaines bases oubliées, etc.
Qu’avez-vous mis en place pour vos maisons (chômage/prêt/report) ?
L’Etat a tout de suite mis en place des dispositifs auxquels nous avons fait appel, dont le chômage partiel bien sûr pour l’ensemble des 18 salariés de la maison. Nous avons également tenté de demander d’autres aides liées au fonds de solidarité, comme la suspension du loyer, mais nous n’entrons pas dans le cadre de l’ordonnance. Une demande de Prêt garanti par l’Etat (PGE) est également en cours pour nous épauler sur la trésorerie. Au-delà de la perte d’exploitation, je dois assumer des coûts fixes : loyer, eau, électricité (j’ai par exemple dû maintenir une partie de mon système froid à eau et électricité). Cela représente une perte sèche importante.
Envisagez-vous de modifier l’offre de vos restaurants ?
Bien évidemment, rien ne sera plus comme avant et il va nous falloir faire preuve de beaucoup d’humilité, d’agilité et de créativité. Nous devons nous réinventer pour continuer de vivre. Il faudra transformer cette terrible épreuve en une opportunité d’écrire une nouvelle page de la gastronomie et surtout de la façon de consommer, du rapport à la nourriture et au circuit de distribution. Je pense qu’il faudra faire sans doute plus simple mais beaucoup plus, beaucoup mieux, avec du sens et un profond engagement envers la terre, la mer, la planète et ceux qui la travaillent. Repenser l’expérience client, la réinventer en somme, le suspendre autrement, l’émerveiller simplement.
Anecdote / tribune libre
Pour commencer à nous réinventer et sauver la maison en épongeant les frais fixes, j’ai lancé depuis le 1er mai un service de livraison des plats bistros de La Scène en formule traiteur. Je crois qu’il faut tenter des choses. Les clients attendent aussi avec impatience de revenir. Alors, à défaut de pouvoir rouvrir et dans des conditions pour le moment inconnues et incertaines, j’ai souhaité les retrouver à travers cette offre baptisée « La Scène dans VOS Coulisses ».