
Après le choc de l’annonce, comment organisez-vous votre quotidien ?
Anne-Sophie Pic : Après la fermeture brutale de nos établissements en France et à l’étranger, cette période de confinement s’est vite révélée comme une urgence à ralentir en même temps que la prise de conscience de notre vulnérabilité. Vivre le confinement, c’est nécessairement franchir des paliers au fur et à mesure de nos connaissances sur la situation, de notre projection dans le futur proche et de notre adaptation à la situation. La cuisine s’est encore une fois révélée indispensable dans mon quotidien. C’est un refuge et un réconfort pour ma famille.
Durant les premiers jours, l’équilibre était difficile à trouver, entre les devoirs scolaires, le quotidien du foyer, la charge de l’entreprise en plein arrêt et les premières décisions à prendre rapidement sans trop de recul. Nos entreprises ont en quelque sorte navigué à vue, et de façon restreinte.
Qu’avez-vous mis en place pour vos maisons (chômage/prêt/report) ?
David, mon mari, a géré l’ensemble des situations des entreprises du groupe Pic. Durant les tous premiers jours, il était appuyé par notre comité de direction. Nous avons décidé de placer en chômage partiel l’ensemble de nos 250 collaborateurs. Des Prêts garantis par l’Etat (PGE) ont également été souscrits et les échéances de nos emprunts ont été repoussées de six mois. A nous de structurer nos entreprises pour assurer la progressivité de la reprise.
Envisagez-vous de modifier l’offre de vos restaurants ?
Nous y réfléchissons depuis le début de la crise sanitaire, mais rien n’est encore définitif. Il est néanmoins certain que cette offre devra être équilibrée et établie en fonction de notre reprise d’activité. L’un des objectifs premiers sera d’abord de séduire et rassurer nos convives.
Anecdote / tribune libre
Il ne m’est jamais apparu aussi nécessaire de prendre conscience de « l’urgence de ralentir, de la sobriété heureuse », des formules chères à Pierre Rabhi qui ont trouvé un fort écho en moi ces derniers temps. Cela ne signifie pas ne plus entreprendre mais se donner et s’autoriser une énergie nouvelle, en se recentrant sur soi-même, sur ses propres valeurs, sur ce que l’on a envie d’être ou de ne pas être et de n’y déroger sous aucun prétexte. Cet équilibre, précieux et fragile à la fois, demande un soin constant. Se réinventer nous interroge sur qui nous sommes. Ce temps de confinement est donc aussi un temps d’adaptation, de réflexion et d’action autour de divers sujets.