
Après le lancement d’une pétition il y a 4 semaines pour encourager les assurances à prendre leurs responsabilités (plus de 120 000 signatures) Stéphane Jégo adressait aux chefs d’entreprise de France une lettre ouverte rappelant l’urgence de prendre des mesures pour sauver les entreprises du secteur, afin d’« agir à l’unisson et faire porter leurs voix » peu avant l’allocution du président de la République du 13 avril au soir.
Le Trésorier du Collège Culinaire de France et propriétaire du restaurant l’Ami Jean à Paris, dresse un bilan chiffré depuis la fermeture de son établissement et demande à tous les entrepreneurs d’agir à l’unisson pour limiter la crise.
« Pour être à l’équilibre, mon entreprise qui compte 15 employés et 3 apprentis, doit faire un chiffre d’affaires de 9000€ par jour. Cela permet juste de couvrir les salaires, de payer mes 150 fournisseurs et les charges. » Depuis la fermeture, la dette totale se monte donc à ce jour à 180 000€. »
Dans l’hypothèse d’une réouverture, en laissant un mètre de distance entre chaque table et la perte de clientèle, le restaurateur a estimé avec son cabinet comptable qu’il ne reprendra une activité qu’à 25%. Comment donc rouvrir en maintenant tous les emplois et se réapprovisionner sans un minimum de liquidités ?
Pour son entreprise, Stéphane Jégo verse depuis 18 ans 5000€ par an à son assureur pour se prémunir de ces situations exceptionnelles. Et pourtant, pour lui comme pour toutes les TPE PME, les assurances méprisent ces demandes au motif que les épidémies et pandémies ne sont pas prévues dans leurs contrats. « Demander aux assurances de couvrir l’intégralité des pertes d’exploitation serait une aberration, mais les 200 millions d’euros promis au fond de solidarité ne sont qu’un écran de fumée. Qui pourrait reprendre son activité avec 1500€ ? »
Stéphane Jégo invite donc tous les entrepreneurs à agir : « Tous, à notre niveau, nous nous sommes mobilisés pour faire bouger les lignes. Les assureurs ont commencé à sortir de leur silence, mais toujours avec ce même mépris. Face au lobby des assurances, nous avons, nous aussi, nos représentants médiatiques. Je vous demande, de consacrer une minute sur vos réseaux pour relayer cette détresse. Ensemble, nous pouvons nous adresser chaque jour à des millions de personnes. Faites que nos voix atteignent notre gouvernement. Unissons-nous, car peu importe notre talent, sans client demain, à quoi cela servira-t-il ? Nous ne demandons pas aux assureurs de payer pour payer mais d’ouvrir le dialogue. Plusieurs propositions ont été faites : la création d’un fonds dédié à la perte d’exploitation, la prise en charge du différentiel des salaires — car le pouvoir d’achat est essentiel à la reprise — et une aide pour la reconstitution de nos stocks.
Nos assurances peuvent faire plus que 200 millions d’euros, n’est-ce pas ? Cette somme est cynique pour un secteur pesant plus de 450 milliards d’euros. Je me demande, vraiment, s’ils sont au courant de la guerre sanitaire et économique qui nous ravage. Attendent-ils un mouvement social ? Que nous descendons tous ensemble dans la rue pour nous faire entendre ? »
« Comme un goût de Moyen-âge : d’un côté les assureurs aux greniers pleins du fruit de nos cotisations, et de l’autre, des travailleurs qui vont mourir de faim… Nous dépendons les uns des autres. Alors, une fois déconfinés, nous, restaurateurs, commerçants, artisans, serons-nous condamnés à être une dépense non essentielle dans l’esprit et le portefeuille des Français ? Inscrit en 2010 au patrimoine de l’humanité, le repas des Français, cet art de vivre à la française, deviendra-t-il un luxe inutile ? Qui de nous peut affirmer que « ça va reprendre » ? A la psychose sanitaire s’ajoute une chute du pouvoir d’achat. Les salaires ont été réduits à 70% du brut, sans commissions, sans pourboires… Qui ressortira à la réouverture ? C’est un cercle vicieux. Après la Grande Dépression de 1929, la France a baissé les salaires et augmenté les impôts. C’était un échec. Les autres pays ont écouté l’économiste Keynes : relance = consommation. En 1932, Roosevelt avec son New Deal a distribué des aides financières aux entreprises et aux particuliers. Sans relance pour nous, et sans les assurances, ce sera un échec pour l’économie et une aubaine pour les partis extrêmes.
En 1933, un Allemand sur deux était au chômage et le parti nazi a gagné sur une promesse : « du pain et du travail ».
Enfin, en 2020, personne ne peut ignorer ni le passé, ni le risque extrême. L’Etat ne peut pas seul nous aider. Une solution doit être trouvée. Comment ? Avec l’opinion publique. Avec les médias. Avec les politiques. »
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