
Le 17 mars dernier, Stéphane Jégo lançait une pétition pour pousser les assurances à soutenir les entreprises de France contraintes de stopper leur activité en raison du Covid-19. Trois semaines plus tard, elle réunissait plus de 116 000 signataires obligeant assureurs et membres du gouvernement à se pencher sur la question. [Retrouvez l’intégralité de l’interview accordée par Stéphane Jégo dans le prochain numéro du magazine Le Chef]
Vous avez été le premier acteur à vous emparer de la non-implication des compagnies d’assurance dans cette situation inédite du Covid-19. Quels ont été les déclencheurs de cette action ?
Stéphane Jégo : Dès que j’ai entendu parler du coronavirus, et cela bien avant qu’il ne traverse nos frontières, tandis que certains le réduisaient à une « simple grippe », j’y ai porté une très grande attention. Avec ma compagne journaliste, nous nous sommes renseignés un peu partout et nous avons pris conscience de ce phénomène. La première semaine de mars, j’appelle immédiatement mon assurance qui me rétorque que « cela ne peut pas être pris dans les pertes d’exploitation ». Le 13 mars, la veille de l’arrêté ministériel ordonnant la fermeture des restaurants et des commerces non essentiels, je le rappelle avec toujours ce même discours. Je contacte dans la foulée mon expert-comptable qui me confirme que c’est dramatique ce qui est en train d’arriver. J’ai senti qu’il fallait absolument que l’on fasse quelque chose. À la différence des événements comme les attentats de 2015 ou les grèves de décembre où nos pertes étaient mises de côté, soit par l’effet de l’émotion soit par la colère, j’ai dit : STOP !
Comment avez-vous mis sur pied votre action ?
S.J. : Je me suis rapproché d’un ami avocat et le 17 mars nous lancions un grand appel sur les réseaux sociaux. Nous avons engagé un travail d’enquête considérable où chaque point était documenté avec des sources avérées et vérifiables grâce à la contribution de gens de diverses professions, d’experts dans tel ou tel domaine. Nous voulions être en capacité de réfléchir pour construire demain et après-demain en réponse aux discours des assurances (retrouvez le détail dans ce communiqué). En 2018, le chiffre d’affaires des assurances françaises fut de 220 milliards d’euros, celui des réassurances [assurance des sociétés et des compagnies d’assurance qui permet aux assureurs de transférer à un autre établissement autorisé à pratiquer des opérations d’assurance (le réassureur) tout ou partie des risques qu’elle a accepté de prendre en charge auprès de ses clients (les assurés), ndlr] fut de 234 milliards d’euros. Tout cela est ensuite réinvesti dans un circuit peu vertueux car ce dernier ne redistribue pas quand tu en as le plus besoin ! Or, comment se fait-il que les assurances ne prennent pas part à l’effort de guerre ? Comment se fait-il qu’elles soient absentes du débat ?
Quelles furent les réactions des compagnies d’assurance ?
S.J. : On sait de sources sûres que tout ce que l’on a entrepris depuis le début de l’opération a été minutieusement décortiqué et que le rapport est directement passé entre les mains de Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des Finances. Nous avons mis le doigt sur quelque chose qui faisait peur et que certains ne souhaitaient pas voir mis en lumière. Nous avons travaillé avec Didier Chenet qui a été absolument admirable dans son engagement à œuvrer pour tout le monde. Nous avons également reçu le soutien du Collège Culinaire de France et d’Alain Ducasse. Nous avons mis tout ceci en œuvre de façon saine et détachée, en conservant notre caractère apolitique et notre liberté. Les assurances ne répondent pas à notre appel car elles repoussent jusqu’au bout le moment où elles seront bien obligées de faire un geste. Et nous sommes en train de travailler sur la prochaine étape qui reste confidentielle.
Dans votre appel, vous soulignez les incohérences du discours des assurances, mais qu’attendez-vous d’elles ?
S.J. : Nous avons fait une proposition concrète de mettre dans nos contrats un intercalaire comprenant différents faits qui peuvent arriver et qui seraient des dommages collatéraux à la perte de chiffre d’affaires. Si le produit existait, libre à chacun en payant une prime de l’intégrer ou non à son contrant, il incombe alors à la responsabilité de l’entrepreneur. Mais pour ce faire, il faudrait déjà créer un fonds spécifique exclusivement dédié aux pertes d’exploitation pour les TPE et PME. Ce fonds permettrait une prise en charge plafonnée à un pourcentage selon le calcul des pertes d’exploitation et des coûts reportés. Car ces coûts reportés, nous devrons les payer. Mais attention, tout ce qui a été perdu depuis le 14 mars, c’est fichu ! Les lois ne sont pas rétroactives, les contrats d’assurance non plus. Il ne faut pas rêver ! Notre travail est pour l’après avec pour but de réveiller l’opinion publique, les TPE et PME, le gouvernement et dire : « On ne peut plus faire comme avant, à baisser la tête pour se sortir de ce type de situation ! » Avec nos propositions, nous ne voulons pas incriminer ni ruiner les assurances, simplement leur permettre d’être nos complices, nos partenaires !