
Avec ou sans chapeaux, vol-au-vent et bouchées à la reine créent toujours la surprise avec leur garniture mystérieuse et douillette qui révèle des saveurs délicates nimbées d’une sauce onctueuse. Entrées héritées de la cuisine de cour, malgré les siècles, elles ont gardé un caractère festif.
Beaucoup de mets délicats furent d’abord servis en « timbales », préparés à partir d’un roux blanc ou blond enrobant des ingrédients fragiles tels que ris de veau, abats, crustacés, etc.
On appelait « timbales » différentes sortes de moules, en porcelaine par exemple. Puis, on tapissa des moules circulaires de pâte à foncer (pâte durcissant bien à la cuisson) pour faire des timbales en croûte. Tombée en désuétude aujourd’hui, la pâte à foncer enveloppait également les pâtés en croûte, le mot « pâte » ayant d’ailleurs induit le mot « pâté ». Bien que théoriquement comestibles, ces croûtes n’étaient pas destinées à être consommées, seule la garniture en était dégustée, à la cuillère.
De la croûte à la pâte feuilletée, si légère… qu’elle vole, vole au vent
On raconte que c’est Antonin Carême, grand cuisinier de la fin du XVIIIe siècle et du début du XIXe (1784-1833), qui

remplaça la croûte en pâte à foncer par une pâte feuilletée plus légère. La timbale était en effet devenue si légère qu’on aurait dit qu’elle… volait au vent ! D’où son nom.
Cependant, l’histoire ne dit pas s’il s’est inspiré des « bouchées à la reine » que l’on doit à Marie Leszczynska (1703-1768), fille du roi de Pologne et duc de Lorraine Stanislas Leszczynski, qui fut mariée à Louis XV en 1725 et qui laissa son nom à ladite recette dont elle raffolait.
Il fut en tout cas influencé par le renouveau apporté à la cuisine royale par Catherine de Médicis qui, à la suite de son mariage avec Henri II au XVIe siècle, importa tant de coutumes et de produits à la cour de France, modifiant à tout jamais le patrimoine culinaire français.
Les bouchées à la reine
Il semblerait – mais aucune preuve ne l’atteste formellement – que la pâte originelle des bouchées à la reine était effectivement constituée d’une pâte plus fine que la pâte à foncer mais pas encore aussi légère que celle de Carême. À l’époque, on était très friands de tourtes en tous genres, d’où sans doute de multiples tentatives pour créer de nouvelles recettes. Toujours est-il que la reine adorait ces mets aux farces délicates et que ce serait son cuisinier qui aurait eu l’idée de fractionner ces tourtes en bouchées-portions pour démultiplier le plaisir de la reine.
Certains auteurs prétendent même que si la pâte de ces bouchées ne pouvait pas déjà être feuilletée comme celle que nous

connaissons, elle aurait été constituée de très fines couches de pâte superposées, un peu comme pour la pastilla marocaine. Mais ce n’est pas dans la tradition italienne, alors peut-être s’agit-il plutôt de fines feuilles de pâte à nouilles – et donc d’un genre de ravioles –, d’autant qu’il se faisait aussi des timbales avec des macaronis. Sans doute, ne le saura-t-on jamais.
Tout n’est-il pas dans la garniture ?
Comme on le dit pour le vin, « qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse ». Car même si le contenant apporte ici une part certaine de gourmandise, c’est tout de même la garniture qui fait le succès de la recette.
Celle des fameuses bouchées à la reine se compose traditionnellement d’un salpicon (ragoût de petits morceaux) de « béatilles », c’est-à-dire d’un mélange de ris de veau ou d’agneau, de cervelle de veau ou d’agneau, de crêtes et de testicules de coq (appelés « rognons » par euphémisme parce qu’ils en ont la forme), d’animelles (testicules) de mouton, de petites quenelles de volaille (dites anciennement « godiveaux »), de moelle épinière, de champignons, de truffes et d’olives vertes, le tout lié par une sauce financière ou suprême au madère.
Le vol-au-vent classique était également garni d’une sauce financière. On pouvait adjoindre à la garniture des huîtres – autrefois, il n’y avait que des huîtres plates et on les mangeait toujours cuites, la marée mettant alors plusieurs jours pour arriver jusqu’à Paris où demeurait la cour – et des fonds d’artichauts taillés en dés.
Au fil des siècles, la garniture s’est à la fois simplifiée et diversifiée. On peut garnir vol-au-vent et bouchées de volaille (poulet, chapon), d’escargots, de poisson (filets de sole agrémentés de crevettes, d’huîtres et de moules), de fruits de mer ou de crustacés (langoustines, homard, sauce Nantua), ou bien sûr d’abats, à l’ancienne.
Blandine Vié