
Plat emblématique d’Occitanie dont il a largement franchi les frontières, le cassoulet connaît trois variantes géographiques notoires : Castelnaudary, Toulouse, Carcassonne. Prosper Montagné (1865-1948), grand cuisinier carcassonnais d’origine et auteur de livres culinaires, faisait un parallèle entre cette trilogie et le mystère de la Sainte-Trinité : « Le cassoulet est le Dieu de la cuisine occitane ; Dieu le père c’est le cassoulet de Castelnaudary, Dieu le fils celui de Carcassonne, et le Saint-Esprit celui de Toulouse. » Mais son contemporain Curnonsky (1872-1956), gastronome averti et homme de plume, affirmait quant à lui que les cassoulets ne sont pas trois mais quatre, comme les mousquetaires ! Alors ? Qu’en est-il ?
La faim des haricots
Avant l’acclimatation en Europe des haricots rapportés d’Amérique par Christophe Colomb à la fin du XVe siècle, on mangeait déjà beaucoup de fabacées (fèves et doliques dont la « monge ») pour leur pouvoir rassasiant et bien évidemment peu garnies en viandes. On trouve d’ailleurs aujourd’hui une recette de « fabounade » (cassoulet aux fèves) qui se veut mémorielle.
Quand le haricot s’est substitué à la « monge », il en a pris le nom latin Phaseolus ainsi que son nom vernaculaire « mongette », à ne pas confondre avec la mogette vendéenne (haricot de type lingot).
Dans le cassoulet, il faut bien dire que le choix du haricot est déterminant. La tradition reste fidèle aux haricots du Lauragais qui peuvent être des cocos ou des lingots. Les puristes préfèrent le coco de Pamiers, petit grain rond à peau fine très résistante ou le lingot de Mazères, tous deux ariégeois et tous deux très digestibles. Les lingots de Lavelanet et de Castelnaudary sont également institutionnels.
D’autres utilisent des gros Soissons et d’autres encore préfèrent le tarbais, gros haricot béarnais qui a la cote en restauration malgré son prix élevé.
Quelle que soit la variété de haricots, ils s’utilisent toujours secs, préalablement trempés, ayant subi un blanchiment et une précuisson.
Un plat identitaire
Tous les cassoulets occitans ont des points communs : haricots bien sûr, lard de poitrine et couennes de porc fraîches sont indispensables. Quant aux viandes, elles varient de l’un à l’autre : porc (échine, longe, jarret demi-sel, épaule, travers), confit d’oie ou de canard, saucisse façon Toulouse, collet ou poitrine de mouton, saucisson à cuire aux couennes (melsat) ou à l’ail, andouilles de couennes ou « coudenats » (rouleaux de couennes poivrés et précuits).
Viandes (dessalées et précuites) et haricots sont mouillés avec du bouillon de légumes (voire de cochon pour des cassoulets gastronomiques),

préparé si possible avec une eau non calcaire. Sans oublier la garniture aromatique faite de carottes, oignons, gousses d’ail, bouquet garni et clous de girofle.
Le cassoulet (de Castelnaudary) semble effectivement être l’ancêtre de tous les autres, ce qu’avait déjà affirmé La Revue Méridionale en 1870 en le qualifiant de seul « vrai ». À base de lingots, il est garni de lard, de jarret demi-sel ou d’épaule, de longe de porc rôtie ou confite, d’échine ou de bas de côtes de porc (coustelous), de confit d’oie ou de canard, de saucisson aux couennes ou à l’ail et de couennes.
Le cassoulet de Carcassonne (ou chaurien) se prépare avec du gigot ou de l’épaule de mouton rôtis.
Le cassoulet de Toulouse remplace parfois une partie des viandes de porc par de la poitrine de mouton et ajoute la fameuse saucisse éponyme en plus du lard, des couennes et du confit. Beaucoup y mettent de la tomate ce qui est un non-sens, le cassoulet étant un plat d’hiver et la tomate un légume d’été.
D’autres formules : on identifie aussi un cassoulet des Corbières dans lequel la queue et l’oreille de cochon demi-sel sont requises. En saison, on peut même l’agrémenter d’une perdrix. On l’appelle aussi « cassoulet de chasse » ou « des vendanges ». Enfin l’Ariège s’enorgueillit du « mounjetado » qui se distingue par l’ajout de « coudenats » et parfois de « fetche sec » (foie sec).
En revanche, bien que cet usage soit très répandu, le voile de chapelure est totalement hérétique. La « croûte » s’obtient en enfonçant régulièrement la peau qui se forme à la surface, ce que permet aisément la forme tronconique de la « cassole » en terre cuite d’Issel (qui a donné son nom au plat par métonymie) et la longue et douce cuisson de 4 h minimum au four.
Toutefois, les recettes se panachant entre elles, quelle que soit sa composition, LE cassoulet est bien le plat phare de l’Occitanie.
Blandine Vié