
Raphaël Rego, chef de Maloka Fogo e Brasa & Maloka Alma Brasileira, s’est récemment vu contraint de fermer son restaurant gastronomique franco-brésilien Oka. Il explique cette décision, qui n’est pas la sienne, dans une touchante lettre ouverte :
« Chaque cuisinier a un rêve…
Le mien a commencé il y a plus de 10 ans lorsque j’ai découvert l’univers de la gastronomie, encore jeune étudiant en marketing à Sydney. Sur les conseils des Chefs avec qui j’ai travaillé en Australie, je me suis installé en France, unique et véritable lieu d’apprentissage de la gastronomie. J’avais l’envie d’apprendre. C’était la deuxième fois que je changeais de pays.
J’ai à nouveau tout recommencé, appris une nouvelle langue, découvert une nouvelle culture, fait ma vie dans un nouveau pays. J’avais peur mais cette peur était un moteur, un stimulant pour que je puisse avancer. De Ferrandi, en passant par les cuisines de Chefs que j’ai eu l’honneur de servir, plus rien ne m’arrêtait. Je ne comptais plus les heures de travail.
Je comprenais au fur et à mesure ce que j’avais entendu de la France avant de venir : le savoir-faire français, le respect des produits, le travail des artisans, la maîtrise de la technique, la précision, le métier avant tout. J’étais heureux d’être là, sans jamais oublié d’où je venais, mes origines, ma culture, mon pays.
Avec la naissance de mon fils, ma vie a basculé. Mes origines étaient plus que jamais présentes en moi. C’est avec ce sentiment que je me suis lancé dans ce projet, de pouvoir relier mon pays d’origine et mon pays de coeur.
C’est comme cela que le 12 mars 2014 est né OKA.
Je me rappelle de la réaction de certaines banques lorsque je leur ai présenté mon projet. Moi, le brésilien qui n’avait jamais cuisiné au Brésil, qui a découvert la cuisine par hasard en Australie, qui est venu vivre en France, et qui maintenant rêvait d’ouvrir un restaurant gastronomique franco-brésilien. Au Brésil, nous avons une expression « Jeitinho brasileiro », qui signe qu’il y a toujours un moyen d’y arriver, si on y croit vraiment.
Les débuts d’Oka n’ont pas toujours été faciles. Les gens ne comprenaient pas forcément cette cuisine que je voulais faire, car ils étaient habitués à une cuisine brésilienne plus traditionnelle. Mais j’étais décidé à montrer ma vision de mon pays et de prouver qu’on pouvait réaliser une cuisine brésilienne qui n’avait rien à envier à celle de grands restaurants français.
En janvier 2016, j’ai décidé d’arrêter OKA dans le 9ème car j’avais le rêve de le faire grandir. J’ai par la suite acquis le fond de commerce d’un restaurant brésilien qui était très réputé dans les années passées. J’ai créé ma propre société d’exportation au Brésil. J’ai noué de véritables liens avec des producteurs brésiliens, je me suis engagé dans des projets avec les indiens en Amazonie. Je les ai fait venir en France pour qu’ils comprennent à leur tour mon univers, après être allé découvrir le leur. J’ai rêvé de pouvoir donner à mes clients français, un goût unique du Brésil comme s’ils y étaient. Mais je me suis confronté à de nombreuses épreuves et obstacles.
Pendant 16 mois je me suis battu, pour pouvoir aller jusqu’au bout de mon rêve et surtout pour remplir l’engagement que j’avais pris à l’égard de mes fournisseurs et des producteurs, qui sont pour la plupart des petits artisans.
Après un long séjour au Brésil qui m’a permis de revenir à la source, j’ai réussi enfin à ouvrir OKA en juin dernier. Ce n’était pas facile car les dégâts de ces 16 mois d’attente m’ont mis en situation de péril financier.
J’ai donc été contraint en août de fermer.
Depuis, chaque jour j’essaye de trouver une solution. Cette fois-ci, je suis sûr que le « Jeitinho brasileiro » ne marchera pas.
Au moment même où j’écris ces quelques mots, un film passe dans ma tête, de tout ce que ma famille et moi-même avons dû supporter et surmonter pour y arriver. J’y ai cru. Malheureusement, cela ne suffit pas. Aujourd’hui mon devoir est de continuer à respecter mes engagements et surtout prendre soin de ma famille. C’est dans des moments difficiles comme celui que je traverse, qu’on comprend les vraies valeurs que la vie a à nous offrir.
Cette décision a été prise en famille, car je suis sûr que c’est avec la force des miens que je vais surmonter tout cela. Je remercie tous ceux qui nous ont soutenu et qui sont restés fidèles à Oka.
Mon grand-père me disait toujours, qu’il faut toujours se battre pour y arriver, qu’on a rien sans rien.
J’ai rêvé et je veux continuer à rêver.
Je vous donne désormais rendez-vous dans mes 2 restaurants Maloka Fogo e Brasa & Maloka Alma Brasileira.
A très vite. » Raphaël Rego