GG : : Ta cuisine a-t-elle continué à évoluer depuis deux ou trois ans ? Attaches-tu davantage d’importance à l’originalité ?
Marc Meneau : L’originalité n’est pas indispensable à la vie. L’important, ce sont les repères et l’espérance. L’originalité est un phénomène de crête qui reste très marginal par rapport au travail et aux règles. Elle doit être contenue afin de ne pas envahir notre vie et notre travail, canalisée dans une ligne de respect des produits. Un client qui vient tous les deux ans me disait : «Jusqu’ici, en mangeant chez vous, je retrouvais le vrai goût du produit ; aujourd’hui, ce goût vrai subsiste mais, en plus, j’y trouve une mise en valeur supplémentaire.» Ma cuisine a certainement évolué, avec un gommage de la rusticité. Elle est davantage travaillée avec l’apparition de saveurs qui accompagnent le mets principal. Elle était plus rigide auparavant afin que le produit subisse le moins de transformation possible. Je rajoute, au niveau des garnitures, des jus ou sauces, des saveurs supplémentaires. J’ai aussi allégé les recettes. Lorsque l’on est enfermé depuis trente-cinq ans dans un rythme culinaire, on a de la difficulté à voir si sa cuisine reste dans le ton du jour. Si je mange des plats que je préparais il y a huit ou dix ans, je trouve qu’ils sont trop lourds et qu’ils datent. On va vers de la légèreté, dans la texture