René Meilleur n’était pas destiné à être le chef patron d’une des plus belles tables de France. Il s’est lancé dans la restauration par opportunisme et sens des affaires. Son village, Saint-Marcel, au bas des pistes et pas du tout station d’hiver, voyait arriver les skieurs prêts à remonter, sans lieu pour se restaurer. Il eut le réflexe de bon sens de monter un restaurant. Mais déjà à ce stade, il se comporta différemment du tenancier standard. Au lieu de profiter d’une situation de quasi-monopole (il n’y avait pratiquement aucun établissement dans la vallée), il offrit à ses clients quelque chose d’honnête, de chaleureux et, quoique simple, de bon. Les plats traditionnels du pays faits avec honnêteté et générosité. Il en récolta une clientèle fidèle et nombreuse grâce à ses raclettes et à ses plats savoyards cuisinés sans artifices. L’histoire aurait pu s’arrêter là et le couple Meilleur gagner confortablement sa vie en profitant d’une fréquentation croissante des stations alentour, dont surtout Val-Thorens.
Oser la rupture
Mais c’est là que se font les destinées. Durant les dix premières années, tout en étant satisfait de son travail et de sa maison, René ressent un manque croissant. Il s’est lancé dans un métier et il est entraîné par sa dynamique : «Je me suis rendu compte que la cuisine, c’était quelque chose de plus. En allant dans quelques maisons gastronomiques, je mesurais la différence.» En 1985, cette idée le taraude encore davantage, d’autant que