
En 1986, à la création du chef, j’avais décidé de consacrer la Une à Joël Robuchon.
Cette intuition a été confirmée en 1987 par l’ensemble de la profession qui a élu Joël chef de l’année pour la toute première édition de ce prix.
Ensuite, presque tous les mois, j’invitais une dizaine de clients dans son salon au premier étage du Jamin. Joël restait au passe et contrôlait le travail de ses cuisiniers, alignés épaule contre épaule, dans le petit espace qui servait de cuisine.
Il vérifiait avec rigueur et parfois une certaine dureté la qualité de travail de ses employés.
Certains de ses clients m’en reparlent encore aujourd’hui, la qualité était exceptionnelle, le plaisir intense et chaque fois renouvelé.
Joël m’en a été reconnaissant, et a soutenu notre magazine depuis l’origine.
Dans notre dernière interview pour fêter les 30 ans du magazine le chef il est revenu avec tendresse sur notre lien : « la revue a toujours été très proche des cuisiniers et pas seulement au niveau de la haute gastronomie, elle a toujours soutenu la profession même dans les moments où elle a débattu de son avenir. (….) 30 ans après cette nation les professionnels de la restauration continuent à lire avec le même plaisir »
Dans ce même interview à la question « quelle est la chose qui compte le plus dans votre quotidien », celui-ci répondait, en tant qu’ancien compagnon du devoir : « la transmission est une nécessité à la fois éthique et professionnelle pour la nouvelle génération, j’aime un proverbe africain qui dit « quand un vieillard meurt c’est une bibliothèque qui brûle ».
Joël, l’homme qui a eu le plus d’étoiles Michelin au monde, a fait rayonner la haute gastronomie française au niveau mondial. Il a formé un nombre considérable de chefs pour qui il est resté leur maître, c’est à travers eux et en devoir de mémoire que nous lui rendons hommage :
Frédéric Anton, Benoit Violier, Philippe Gobet, Dominique Bouchet, Thierry Marx, Olivier Bellin, Éric Briffard, Frédéric Simonin, Alain Pegouret, Philippe Chronopoulos, Éric Ripert, Keiko Kimura, Philippe Braun, Éric Lecerf, Gordon Ramsay… et d’innombrables autres que nous ne pouvons citer, à qui il aura transmis les bases du métier, la perfection, la rigueur et les valeurs qu’il affectionnait.
Une pensée particulière pour son compagnon le plus proche, Éric Bouchenoire.
Adieu Joël tu restes dans notre cœur et notre esprit.
Francis Luzin