Lorsque, il y a treize ans, Paul Bocuse, Roger Vergé, Pierre Troisgros fondèrent Euro-Toques avec plusieurs grands chefs européens, il était difficile de discerner en quoi cette nouvelle association se distinguait des autres. Elle avait une originalité, celle de vouloir fédérer les grands chefs des pays européens, à l’époque où l’industrie agroalimentaire et la politique agricole avaient pris une dimension supranationale. Mais, de l’extérieur, on pouvait penser qu’elle avait pour but de défendre des intérêts corporatifs.
Bernard Fournier, qui succéda à Paul Bocuse et assura jusqu’à la fin 1999 la présidence d’Euro-Toques France, enfourcha résolument la défense des produits d’origine contrôlée. L’association obtint un siège à Bruxelles et put ainsi mener des combats pour la défense des fromages, du chocolat, du gibier et contrebalancer l’influence néfaste de technocrates européens sensibles à l’idéologie internationaliste des verts.
Après la crise de la vache folle, les tensions sur le boeuf aux hormones et les OGM, les dirigeants d’Euro-Toques passent du statut d’utopistes ringards à celui de prévisionnistes avisés. Pour dire simple, ils avaient davantage raison qu’ils ne le pensaient.
La force d’Euro-Toques, en plus d’avoir une idée judicieuse des enjeux futurs, résida dans le fait de ne pas se poser comme un syndicat de défense des cuisiniers. Elle ne venait donc pas se surajouter aux syndicats régionaux et nationaux qui se sont engagés sur la TVA ou le temps de travail. Pas d’orientation ou de dérive politique.